La Roche-sur-Yon : Entretien avec Stéphane Ibarra, chef de file de l'opposition.

Dans un long entretien que nous a accordé Stéphane Ibarra, le chef de file de l'opposition revient sur les éléctions municipales, mais pas que.  

La gauche totalisait 52,55 % des voix au premier tour. Et au second tour 47,22 %. Que s’est-il passé entre-temps ?

D’abord, il vaut mieux compter en nombre de voix qu’en pourcentage. Objectivement, la liste menée par Luc Bouard a progressé au second tour. Notre socle s’est érodé entre les deux tours. Les trois listes qui ont fusionnés représentaient 7400 voix environ au premier tour et on en a réuni un peu moins de 7200 au second tour, donc il y a 200 voix qui ont disparu au second tour. On sait que les élections ne sont pas de l’arithmétique. Il y a toujours un renouvellement des votants, et puis les deux tours des élections étaient très éloignés.

La fusion des listes de gauche était attendue…

Oui, je pense sincèrement que l’union des listes de gauche était attendue à la Roche-sur-Yon, qu’il y avait un espoir et qu’elle a amené de nouveaux électeurs aux urnes. Certains ont manqué, l’expression des communistes a été assez claire et, forcément, ça a jeté le trouble. Ça a empêché les gens d’aller voter.

Après, quand on fait le total des voix de gauche, ça montrait que les gens qui ne veulent pas de la politique qui a été menée dans les dernières années représentaient une majorité, mais cela ne veut pas dire qu’ils veulent prendre part au débat démocratique et venir voter pour le concrétiser au second tour.

Pourtant lors d'élections précédentes, on a pu constater que la Roche-sur-Yon était majoritairement de gauche…

Ce que je peux constater, en tout cas, c’est que le centre de gauche écologiste a fait des victoires dans les communes plus importantes.

Le centre-ville de la Roche-sur-Yon a toujours été de droite cela veut dire que si la Roche est de gauche écologiste, ce sont d’autres types de population qu’il faut mobiliser. Ça, ça va nous questionner sur le travail à faire, à qui on s’adresse lorsque l’on fait un programme électoral et qui on mobilise.

Je le dis et je le redis quand même, il y a une progression de l’électorat de droite entre les deux tours et c’est ce qui fait la victoire. Si Luc Bouard avait le score qu’il avait en nombre de voix au premier tour, on aurait gagné malgré notre érosion. Il y a une remobilisation de l’électorat de droite sur fond d’une grosse abstention, c’est ce qui a fait la différence.

Sincèrement, au moment où on préparait les élections, bien avant le premier tour, si on avait été un peu plus humble sur le fait que la Roche est de gauche, ça nous aurait amené tous les uns, les autres un peu plus d’humilité en le préparant.

C’est pour cela que je suis un peu plus prudent lorsqu’on dit que la Roche est de gauche. On a perdu en 2014 et on a perdu en 2020. Je suis sincère en disant que, oui, les fractures du premier tour ont pesé lourd.

D’ailleurs je voudrais m’expliquer là-dessus, car j’ai été silencieux parce que je n’ai pas voulu ajouter du trouble à la désunion, mais quand on me fait le procès d’être celui qui a rendu impossible l’adhésion au premier tour, je dis non, je suis celui qui l’a rendu possible au second tour et j’aurais aimé être celui qui l’aurait rendu possible au premier tour.

Je ne regrette pas le parcours, d’avoir essayé de créer ce collectif avec tout le monde, même mon témoignage est que cette union n’en était pas une.

 Stéphane Ibarra 1 sur 1

Stéphane Ibarra. © mavillesolidaire.

Qu’appelle-t-on une union ?

D’abord, il faut des ferments que tout le monde partage. Je m’étais mis là-dedans pour que l’on réussisse l’union et que l’on réussisse à créer une alternative du renouvellement. Du respect des diversités, autour de la table il n’y en avait pas suffisamment. Des règles claires qui respectent la parole de tout le monde, autour de la table, il n’y en avait pas. À chaque fois que certains, notamment les visages nouveaux, avaient des expressions, ils devaient les remballer puisqu’en face il y avait des experts apparatchiks qui fermaient tout.

La question de qui devait être tête de liste était important.

La base, moi je n’en ai jamais fait un préalable, je ne me suis pas laissé mener par mon ego en disant que je devais tête de liste, la gauche devait gagner par compte j’étais ferme sur ce qu’il fallait réunir pour qu’elle gagne. Au départ, quand on a abordé la question, cela devait être quelque chose de qualitatif. On partait dans ce qui avait été fait dans d’autres collectifs citoyens, des désignations sans candidat. C’est-à-dire, en toute honnêteté, tout le monde autour de la table, mais les conditions de la réussite. Et ce n’est pas chacun perso tire la couverture que lui représente. Sauf que tout ça a été balayé dans les groupes de travail.

On ne fait pas une primaire, il y avait 16 votants, c’est un congrès comme j’en ai connu dans le parti socialiste, cela n’enlève rien à la qualité des différents candidats, mais amène une désignation qui fait que trop de monde ne s’y retrouve pas.

Aurait-il fallu faire une primaire ?

Une primaire ouverte ? Peut-être. Je pensais qu’il était tard pour l’organiser. Quel était le parti, cheville ouvrière, de la liste La Roche solidaire et écologique ? C’était quand même les Verts. Je crois plutôt qu’une discussion entre nous et les Verts aurait été préférable car plus efficace. Maintenant on ne peut pas refaire l’histoire. J’ai ma part de responsabilité dans la construction collective. Et je tiens à dire que dans cet échec, ce n’est pas la question de la tête de liste, c’est le mode de désignation.

Sortant du collectif, il n’était pas automatique que j’aurai monté une liste à côté. Si je l'ai fait c’est parce qu’un grand nombre de citoyens, ils étaient plus de 150 en décembre à me pousser et me dire qu’on a besoin d’entendre cette expression, je ne le regrette pas parce que je pense que si je n’avais pas mené une liste indépendante avec des citoyens au premier tour, Luc Bouard aurait été élu le 15 mars et il n’y avait pas de second tour, il n’y aurait pas eu d’union.

Comment va l’opposition municipale ?

Je trouve déjà que, quand on dit l’opposition municipale, on a fait un progrès. C’est pour ça que je dis que, même si on n’a pas abouti, le parcours n’est pas inutile parce que de réussir l’union au second tour et de passer un contrat avec les Yonnais, ça nous engage. D’abord, on est un groupe dont la force est sa diversité. Moi je souhaite la garder.

Cela peut être sa faiblesse si individuellement les membres de ce groupe sont sur une trajectoire qui n’est que personnelle. Moi je veux faire vivre le fait que l’on peut être divers et poursuivre un objectif commun. On est sur un groupe unique et je souhaite que cela perdure. On a encore à progresser puisqu’on doit se caler. Il y a des individualités dans le groupe c’est une réalité, mais on doit être au service des Yonnais et d’une alternative possible.

Quel est votre ressenti sur la campagne électorale ?

Je trouve qu’on a fait une belle campagne dynamique de proximité toujours exclusivement sur les propositions faites aux Yonnais. La campagne au sens large, je n’ai pas trouvé que c’était les mêmes façons de faire de toutes les équipes. Moi, par exemple, j’ai été ciblé à titre personnel par plein de choses, on a vu des tracts anonymes et je pense que l’essentiel du camp d’en face était plus sur ce thème-là que sur les propositions.

Vous avez été ciblé sur vos indemnités.

J’ai deux mandats. Un à la région et un au département. Les chiffres qui ont été cités sont absolument farfelus. L’indemnité brute est de l’ordre de 2200 € à la région et au département c’est à peu près similaire. Ensuite, je suis membre d’un parti, je verse près de 800 € par mois. Je suis enseignant à mi-temps. Mon salaire en 2019 était 1000 €. Donc, mes indemnités comme élu d’opposition ne sont pas de 4 à 5000 € comme il a été dit. Je n’ai rien volé et ce n’est pas moi qui fixe mes indemnités. Ceux qui me font ce procès ce sont des gens qui se sont augmentés qui fixent librement leur indemnité et qui, au prochain conseil, [ce soir NDLR] vont fixer quelque chose qui n’existe pas, le défraiement des administrateurs d’Oryon. Donc ceux qui piquent dans la caisse commune, ce n’est pas moi.

Vous savez que les élus d’opposition reçoivent les délibérations. Ils devraient indexer individuellement le nom de chaque élu et l’indemnité proposée on ne l’a pas eue aujourd’hui, à deux jours du conseil municipal. Au département, il y a des délibérations nominatives avec le montant brut en face.

Dans votre dernier communiqué de presse, vous faites part de vos inquiétudes quant aux délégations des différents élus comme la politique caritative et l’insertion, la culture et la communication et les anciens combattants et l’agriculture. Quelles sont vos craintes ?

Factuellement, il faudra me dire dans quelle commission le conseiller délégué aux anciens combattants et à l’agriculture va siéger, parce que ces sujets ne sont pas dans la même commission. Cela interroge sur la vision. Le lien entre la communication, la culture, l’insertion et la politique caritative, cela démontre une certaine vision de la majorité de comment on aborde ces sujets-là. C’est quoi la solidarité ? Là, il y a deux visions qui s’opposent. Est-ce qu’on est plutôt libéral, c’est-à-dire qu’on pense qu’il faut laisser les gens prendre de l’initiative, faire un peu tous ce qu’ils veulent et quand ils vont s’enrichir ils vont en redonner des petits bouts aux autres ou est-ce que c’est un sujet de cohésion de la société, de vivre ensemble, et qui vont intéresser les politiques publiques. Moi, je porte une vision sociale-démocrate qui dit que l’équilibre est entre les deux. S’il y a de l’argent, y compris de l’argent public, c’est qu’il y a de l’activité économique.

La meilleure façon d’avoir des moyens d’agir c’est d’avoir de l’activité économique qu’il faut susciter. Il faut l’encourager.

La solidarité doit être quelque chose d’institutionnalisé, c’est une évidence parce qu’il y doit y avoir des liquidités là-dedans. Chacun a le droit à la dignité. Cette solidarité est indispensable. On va revenir à la fracture démocratique. Il ne suffit pas de faire une réunion publique pour avoir une expression démocratique. Pour que quelqu’un vienne à une réunion publique, s’y intéresse, puisse prendre la parole, ça en dit long de l’image qu’il a de lui-même. Est-ce que je suis inclus dans cette société ? Est-ce que j’ai trouvé ma place ? Est-ce que je m’y épanouis ? Ça, c’est aussi une question de la place de chacun dans la société, la solidarité et le bien vivre ensemble, la cohésion à l’échelle communale comme à une autre échelle, c’est extrêmement important et ce n’est pas une politique caritative qui le permet.

Quand on mêle communication et culture, c’est à l’image de ce qui vient de sortir. On l’a connue aussi à l’échelle du département. Mais quelle culture ? Des grands spectacles dans tous les territoires mais ce n’est que ça la culture, c’est quelque chose d’intimiste, c’est quelque chose qui serait en proximité. En faisant venir des têtes d’affiche qui coûtent cher pour en mettre plein les yeux aux gens. La culture doit être polyvalente, régulée par la puissance publique. La vraie culture c’est aussi celle qui dérange, celle qui est organisée, celle qui est spontanée.

Vous allez passer six ans dans l’opposition, vous êtes dans quel état d’esprit ?

Je le savais en étant candidat. Je savais que si on gagnait, j’aurais six ans très prenants et passionnants, mais je savais que si je perdais, ils seraient aussi très prenants et passionnants. Plus dur, car moins de moyens et moins de capacité à changer et à mettre en œuvre les valeurs qu’on porte sur un territoire. Je l’ai dit au groupe dès le début, mais on a perdu, on a fondé un contrat avec les Yonnais. Ce contrat est basé sur l’union de notre groupe ce qui ne veut pas dire l’uniformisation. On garde notre diversité, mais par contre on a un objectif commun, être utile aux Yonnais et construire notre société et oui ça dure six ans.

On s’engageait avec les Yonnais à faire vivre le lien démocratique, même dans l’opposition, dès septembre on proposera un premier rendez-vous citoyen avec les Yonnais pour qu’ils viennent rencontrer les élus municipaux pour se projeter, construire l’avenir avec eux. Mon objectif, et ce sera dur, c’est que pendant six ans on fasse campagne, quand les mesures sanitaires le permettront, pour retourner en porte-à-porte sans attendre la prochaine campagne municipale pour le faire.

Six ans de travail et d’opposition. Je ne changerai pas. On sera une opposition présente et vigilante parce qu’il y a trop d’écart entre le discours à la Roche-sur-Yon et les politiques qui y sont menées.

C’est de la communication ?

On revient à la question communication et culture. J’ai entendu un candidat dire que les premières mesures concerneront les pistes cyclables et Michelin. Je ne sais pas si c’est à la hauteur de l’enjeu, mais là, premier conseil municipal avec des délibérations et des documents budgétaires, je ne vois pas la traduction.

Est-ce que la Roche-sur-Yon est bien gérée ?

La réponse est non. C’est aussi clair et net que ça. Quand Luc Bouard entre en responsabilité au 1er janvier 2015, il prend la ville avec un endettement à hauteur de 60 millions d’euros. Aujourd’hui, le compte administratif au 31 décembre 2019, c’est 89 millions d’euros. Voilà la gestion qui a été faite pendant six ans. Ça devient déjà intenable. Dans le budget 2020, les économies que fait la ville pour commencer ses travaux sont en-dessous du montant d’emprunt qu’elle doit rembourser pour l’année. On a dépensé, mais pas pour du dynamisme, on a tué la rue Clemenceau, cela ne va pas dynamiser. C’est l’endettement, il a un tel niveau qui va peser sur la vie quotidienne des Yonnais, car la seule solution sera de donner moins de services aux Yonnais en enlevant les services municipaux et politiques publiques, il n’y aura pas d’autres choix, c’est vrai également pour l’agglomération.

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